Si un album était un paysage, ce nouvel opus de Wrekmeister Harmonies s’apparenterait volontiers à une forêt de pins prisonnière d’un hiver fantomatique.
Sorti le 21 février dernier sur le label Thrill Jockey, le collectif musical basé à Brooklyn et emmené par Ester Shaw et J.R. Robinson, revient avec un 5e opus intitulé We Love to Look at The Carnage. Enregistré dans une cabane dans les bois, l’album fait l’objet d’une collaboration avec les musiciens Thor Harris (Swans) et Jamie Stewart (Xiu Xiu). Bien que constitué de cinq morceaux, l’œuvre s’appréhende comme une composition unique, métaphore d’une nuit d’insomnie précédant la délivrance des rayons de soleil matinaux.
La nuit débute sur le titre Midnight to Six où la voix éthérée d’Esther Shaw accompagnée par une sublime ligne de piano fait immédiatement mouche. Le morceau se termine sur une montée presque symphonique, nous entrainant vers Still Life With Prick Cancer et ses sonorités sombres et inquiétantes. La voix de baryton de J.R. Robinson soutient une déclamation quasi religieuse. On se sent partagé•e•s entre apaisement et insécurité. Des passages post-rock et atmosphériques (Coyotes of Central Park) cèdent la place à des sections d’un doom pesant. Les growls de basse et fuzzs de guitare nourrissent un contraste intense avec le violon d’Esther Shaw (The Rat Catcher). Les percussions subtiles de Thor Harris accentuent l’effet rituel, voire pastoral, de l’ensemble. Le tout s’achève sur Immolation, véritable lumière au bout du tunnel.
Inspiré par la littérature et les écrits de Marc Aurèle, J.R. Robinson puise ses paroles dans la force du stoïcisme. Ici, la réflexion philosophique est intense, torturée. We Love to Look at The Carnage est ce genre d’album dans lequel il faut se plonger de manière entière, comme une méditation. S’il s’adresse plutôt aux initié•e•s du genre, il n’en reste pas moins une expérience musicale immersive peu commune dont il serait dommage de se priver. Un moment d’une délicieuse noirceur.