Samedi 17 mai dernier, le soleil irradiait les rainbow flags à Bruxelles. La question était de savoir comment poursuivre les festivités de la Gay Pride. Notre choix s’est porté sur la Queer Party, soirée de soutien au collectif Shiftcore, du côté de Delta. A l’affiche, entre autres, Le Crabe (en pleine tournée Nuisance 4 Tour), d’abord en solo puis en featuring avec Stazma, issu du label Jarring Effects. Focus sur le crustacé multi-pinces hip-hop, sauce noise-breakcore.
Récemment calé en Rhône-Alpes, JF Crabe a auparavant gravité dans la sphère distro-punk nancéienne, ou encore avec le groupe de math rock hongroise Rosapark. Il est fort possible que bon nombre d’entre vous l’aient déjà croisé en terre belge, notamment durant le Flesh Factory Fest 2012 à Charleroi, au Café Central ou encore au 123, connecté à des loco-locaux comme Melodik Pinpon, DJ Pute Acier ou Tzii. Que celui ou celle qui n’a pas gesticulé sous influence au Central sur son tube Amour Unilatéral nous jette la première Carapils!
Définir le genre musical de l’animal relève d’un défi auquel toute personne pourvue de bon sens et de tact renonce. Et c’est aussi ce qui le caractérise tant. Entamer les cloisons auditives à coup de distos, passer à la broyeuse un bourbier de hip-hop/noise/breakcore/EBM, des reprises sous Ritaline ou des comptines aliénantes paraît fortement jouissif mais peut s’avérer périlleux, voire carrément casse-gueule, lorsque l’idée est de rendre ensuite la mixture relativement digeste pour les trompes d’Eustache, même les plus aguerries. Pourtant, de cet apparent brouhaha surconcentré, s’échappent mélodies, rythmes et émotions.
On sent chez ce gars une aspiration à l’omniscience, l’envie de régurgiter un magma intense accumulé comme les cassettes audio des moments de grâce post-adolescente. Les paroles (en français) tendent vers la mélancolie saillante d’Arnaud Michniak, qui aurait croisé le chemin postume des mélopées de Jay Reatard durant un concert de Bodycount. Très vite, on saisit que l’idée n’est pas de survoler d’une oreille détachée mais de s’immerger totalement dans un univers plus cohérent qu’il n’y parait, et surtout, en constante évolution-mut(il)ation.
Sur scène : un mec au manettes qui semble aimer se mettre quelque peu en danger, assumant pleinement son t-shirt canin et sa jupette en moumoute léopard. Au delà de ça, la (ré)création ne s’arrête pas là, elle s’étend également à un artwork. Tout aussi foisonnant, il prend vie via la sérigraphie, dans des relents davantage art-brut que minimalisme contemplatif et s’étend sur des pochettes de vinyles, posters, flyers, t-shirts et autres produits plutôt chiadés.
Saturation visuelle, auditive, anti-dogmatisme revendiqué, pragmatisme D.I.Y., virulentes (ré)pulsions gutturales en short lamé et Canigou carottes/gelée de boeuf, voilà une alternative de recette efficace et goûtue pour déguster Le Crabe, à point et à double tranchant.
Carolyne Missdigriz