L’International Brussels Tattoo Convention se tenait du 11 au 13 novembre sur le site de Tour & Taxis. Cette sorte de gigantesque ‘salon du tatouage’ rassemblait plus de 400 tatoueurs venus des quatre coins du globe. Retour en mots et en images sur trois jours entièrement consacrés à cette discipline artistique contemporaine.
C’est au pas de course que nous entamons cette 7e édition de l’International Brussels Tattoo Convention. Nous avons, en effet, rendez-vous pour nous faire encrer par la talentueuse Melanie de chez Inky und Stretchy (Allemagne). Une artiste au style sketchy très personnel, d’une gentillesse et d’une douceur particulièrement appréciées étant donné l’endroit, réputé très douloureux, choisi par nos soins : les côtes. Un résultat parfait et indolore. Merci à elle !
Durant ces trois heures passées allongée sur la table, nous avons eu tout le loisir d’analyser et de constater la diversité d’âge, sociale et culturelle des visiteurs. Certains débarquent en mode touristes impulsifs, prêts à se faire tatouer n’importe quoi par n’importe qui, sous prétexte d’avoir ‘flashé sur un dessin’, alors que d’autres, plus réfléchis, se sont renseignés sur les différents artistes, ayant planifié leur rendez-vous longtemps à l’avance. Dans les deux cas, tous s’improvisent critiques d’art. Notre tatouage enfin fini, nous voilà partis pour trois jours à la découverte d’artistes venus des quatre coins du globe. Cette édition affichant de très grands noms, tous styles confondus.
Vidéo réalisée par Olivier Sipesaque
À CHACUN SON STYLE
Comme en peinture, il existe différents mouvements dans le tatouage. Commençons par le réalisme. Nous ne pouvons pas parler de ce courant sans nommer Moni Marino, qui excelle dans le réalisme couleur. C’est au Black Barock Art Palace, situé à Essen, en Allemagne, qu’elle reçoit régulièrement en guest les meilleurs tatoueurs du monde entier, tels que les membres du collectif français OverKame (dont nous parlerons un peu plus bas), Levgen, Alex Sorsa, Damian Gorski, Karina Cuba, Ryan Smith, et bien d’autres.
Notons la présence imposante de la Russie, avec plusieurs collectifs (dont le Blackout Tattoo et l’incroyable Aleksandr O´kharin de Saint-Petersbourg), où le réalisme semble occuper une place importante. En réalisme couleur, nous vous conseillons d’aller admirer l’incomparable travail de Levgen, de Voice Of Ink, basé en Pologne, ainsi que celui de la charmante Karina Cuba, installée à Berlin.
Clôturons ce chapitre sur le réalisme avec ces quelques lignes sur le collectif OverKame, projet créé il y a deux ans par Quentin Joubert (manager) et Angélique Grimm. Ayant pour objectif de faire connaître le réalisme en France, où il semble être beaucoup moins populaire que dans d’autres pays comme la Russie ou les Etats-Unis, il réunit les meilleurs artistes du genre, à savoir :
Eliot Kohek réalise des tattoos en noir et gris avec une prédominance de ‘skull’, qu’il maîtrise à la perfection, mais qui ne l’empêchent pas d’assurer dans la réalisation d’autres motifs.
Michaël Taguet oeuvre principalement en couleurs mais s’attèle depuis quelques temps au noir et gris, avec lequel il est tout aussi à l’aise.
Thomas Carli-Jarlier (Noire Ink Tattoo Parlour) a un style unique de noir et gris avec de assez souvent une touche de couleur judicieusement placée !
Sandry Riffard (Au Dela du Reel Tattoo) travaille toutes sortes de thèmes en noir et gris mais, nous devons l’avouer, nous avons un faible pour ses incroyables visages de poupée. Il étaient malheureusement absents de la convention.
Julien Thibers fonctionne majoritairement avec du noir et gris et une bonne dose de couleurs parfaitement choisies.
Angélique Grimm, une des plus jeunes membres du collectif, spécialisée en noir et gris.
Ces artistes tant éparpillés aux quatre coins de la France, vous pouvez régulièrement les retrouver en guest les uns chez les autres ou, en groupe, à l’une ou l’autre convention où ils proposent exceptionnellement des projets collaboratifs. Le groupe pourrait bientôt être rejoint par d’autres tatoueurs dont les noms sont encore tenus secrets… à suivre !
Autre style, le graphisme, brillamment représenté ici par notre fierté nationale, J-P Mottin de Grizzly Inc (Liège), qui a remporté le premier prix au Mondial du Tatouage à Paris et sans qui il n’y aurait peut être pas de ToxCit’Ink (convention tattoo liégeoise). Il exécute le plus souvent de grandes pièces en pointillisme (dots noir/gris). Uncl Paul, de Uncl Paul Knows (Grèce), a remporté pas mal de prix avec son graphisme très personnalisé, aux superbes couleurs vives et/ou aquarelles.
Mope, de Marché Noir (Suisse), propose quant à lui un style graphique plus sketchy et coloré, sans parler de ses petits persos à tomber, souvent plagiés par d’autres tatoueurs sans scrupules et sans imagination. Continuons sur les persos avec deux autres spécialistes en la matière : Denis Torikashvili, de Moscou, vous impressionnera par sa maîtrise du réalisme mais également par ses adorables personnages inimitables; et Amy Mymouse, de Liège, qui vous enchantera avec ses ‘poupées’ fantastiques.
Mentionnons encore Victor Chill, du Family Art Tattoo de Barcelone, qui assure dans tous les styles : le réalisme, l’oriental, le oldschool… mais plus spécialement dans le new school, le style graffiti ou encore le néo-traditionnel. Vous avez certainement déjà vu ses tattoos représentant des machines à tatouer, lesquels sont également souvent plagiés.
Dans le genre néo-trad, nous retiendrons Tom Schraepen, par qui nous avons récemment été tatoués : un trait propre, des couleurs impeccables, même après cicatrisation, et un style facilement reconnaissable. Ne vous laissez pas intimider par son côté un peu grincheux, son travail en vaut la peine ! Vous le trouverez actuellement chez Anaïs B. Tattoo, à Spa. Malgré son absence de la convention, nous ne pouvons nous empêcher de citer Anaïs comme l’une des meilleures dans le style ornemental, avec un tracé parfait ! Pour un style graphique unique aux couleurs vives et/ou aquarelles, flirtant avec le réalisme, adressez-vous à Emilie B. et Guillaume, de L’Imaginarium, basé à Hyères, dans le sud de la France.
Notre coup de coeur au niveau des tatoueurs va à Olivier Poinsignon, de Clermont-Ferrand, spécialisé dans le noir graphique. Si vous voulez tenter une expérience hors du commun, que vous avez une histoire à encrer de manière tout à fait personnelle, c’est à lui qu’il faut confier cette tâche. Ne vous laissez pas impressionner par son masque ou son maquillage lors de ses performances, laissez-vous plutôt aller à la curiosité que cela attise. Olivier est un poète, un illustrateur, un artiste à part entière qui apporte une perception et une dimension nouvelle au tatouage. Afin de répondre aux questions des visiteurs, il avait prévu plusieurs plages horaires dédiées à la discussion. Nous avons été captivés par la personne et par les témoignages de ses clients laissés dans son book. Nous vous invitons à le découvrir par vous-mêmes !
Après avoir fait le tour, nous constatons une baisse de popularité des styles oldschool et traditionnel américain face à une forte augmentation du réalisme, du new school et du néo-traditionnel. La concurrence est de plus en plus rude, obligeant ainsi les tatoueurs à trouver leur propre trait et mélanger les styles afin se démarquer.
LA BO DE L’IBTC 2016
Commençons par notre coup de coeur musical, à savoir Billy Joe, un one-man band de blues/trash aux influences intéressantes telles que Jimi Hendrix, Muddy Waters, les White Stripes… Nous avons pu en profiter à deux reprises (vendredi et dimanche), à côté du petit bar Sailor Jerry dans la moyenne salle, où le son était d’ailleurs nettement meilleur que sur la scène principale, et l’ambiance beaucoup plus intimiste et agréable.
Nous retiendrons également The Glücks, ce duo de garage punk venu d’Oostende, rappelant le binôme des White Stripes avec une femme à la batterie et au chant, et un homme à la guitare et au chant, les deux s’accordant à merveille. Malgré le surplus d’effet la voix masculine, peut-être accentué par la taille de la salle, nous avons apprécié le show. Notons également la prestation très énergique et positive de Bottle Of Moonshine qui a assuré du début à la fin. Le groupe de ska/funk/reggae/rock, originaire de Turnhout, est composé de nombreux musiciens en tous genres, accompagnés par une chanteuse.
CONCLUSION
Du point de vue d’un visiteur un peu novice, c’est une super convention, avec des shots de Sailor Jerry gratuits à certaines heures, des défilés de femmes pratiquement nues, des shows burlesques et des cracheuses de feu tout aussi dévêtues, des stands de customisation en tous genres, le fameux globe de la mort et ses cinq motards, quelques concerts et, entre deux shows, un tour rapide parmi les échoppes.
Par contre, l’avis de certains tatoueurs est tout autre. Bon nombre d’entre eux se sont plaints du froid et des courants d’air ainsi que des conditions d’hygiène et de confort. Ajoutons à cela la rigidité des organisateurs quant à la fermeture de l’endroit (certains tatoueurs se sont vus priés de quitter les lieux alors qu’ils terminaient leurs oeuvres). Plusieurs tatoueurs de renommée internationale nous ont d’ailleurs affirmé que c’était leur dernière participation à cette convention.
Et enfin, de notre point de vue de passionnés de tattoos, nous avons bien sûr apprécié tout ce qui avait trait au tatouage ainsi que certains concerts, malgré un son de mauvaise qualité. Par contre, nous sommes un peu déçus que les autres shows, très surfaits, prennent le dessus sur l’essentiel, nous faisant presque plus penser à un salon de l’érotisme qu’à une convention tattoo !
Pierine Vande Zande